Le site Richelieu de la Bibliothèque Nationale de France expose en ce moment les œuvres d’un groupe d’artistes aussi éphémère qu’essentiel, de la fin du 19ème siècle : les Nabis. Ce cercle d’amis-artistes s’était choisi un nom symbolique, les “Nabis” qui signifie en hébreu “ prophète” et qui les unis autour d’une ambition commune de renouveler la création artistique de leur temps. Ces “ peintres-graveurs” ont particulièrement œuvrés pour l’essor de l’estampe qui correspond idéalement à leur volonté de rapprocher l’art de la vie quotidienne et de le rendre accessible à tous en le faisant descendre dans les rues. Vous retrouverez ainsi des productions de Pierre Bonnard, Maurice Denis, Felix Vallotton, Edouard Vuillard et bien d’autres.
L’exposition Impressions Nabies nous plonge avec clarté dans le contexte du développement de l’affiche illustrée à Paris et des différentes techniques de l’estampe qui se développent, tel que la gravure sur bois et la lithographie. Ce sont des procédés d’apparence complexe qui nous sont expliqués dès l’entrée du parcours par des schémas simples et visuellement parlants. Ces multiples techniques ont permis aux Nabies un vaste terrain d’expérimentation qu’ils ont explorés avec une énergie remarquable entre 1890 et 1900. Des estampes artistiques sur feuilles ou en album, des illustrations pour des revues ou des romans, des affiches publicitaire de rue, pour des spectacles ou des expositions… un foisonnement de formats qui rend l’exposition dynamique, nourrie de surprises et de révélations.
On perçoit aussi le rôle essentiel joué par les marchands d’art, les éditeurs et les imprimeurs, qui ont fait confiance aux artistes audacieux pour des commandes novatrices. À l’image de l’exposition de 1896, orchestrée par le marchand et éditeur Ambroise Vollard, pour laquelle il commande à Pierre Bonnard une affiche de promotion : “ Les peintres graveurs”. C’est une exposition ouverte à l’occasion de la parution de son premier album d’estampes. cette affiche est caractéristique de la production lithographiée de Bonnard qui réalise également des planches de couverture pour “la Revue blanche”.
Cette revue d’avant garde crée en 1889 par les frères Natanson, est un véritable catalyseur artistique. Elle a contribué à faire travailler les artistes peintres dans le domaine de l’illustration grâce a des commandes de livres illustrés, d’affiches et des suites d’estampes. Leur mise en exposition à la BNF témoigne de l’importance de cette ligne éditoriale novatrice et engagée.
Bonnard, les peintres graveurs, exposition du 15 juin au 20 juillet, galerie Vollard, 1898, lithographie en couleur, BNF
Bonnard, Affiche pour la revue blanche, 1894, lithographie collée sur carton, Centre Pompidou.
Parmi les séries d’estampes exposées, celle qui nous a particulièrement touchée est celle confiée à Felix Vallotton pour la Revue blanche : Intimités une série de 10 gravures sur bois de 1898.
Felix Vallotton, L’irréparable,1898, BNF
Felix Vallotton, Le mensonge, 1898, BNF
À travers de puissants aplats noir et blanc intense, Vallotton nous raconte les spectacles de l’intime et les drames silencieux de la vie bourgeoise. Des scènes de couple dans des intérieurs feutrés révèlent sous un regard presque satirique les séparations et les tensions muettes. La gravure sur bois, dans toute sa simplicité restitue toute l’intensité émotionnelle de ces instants suspendues. Même en absence de couleurs, dans une épuration des formes, Vallotton retranscrit avec exactitude des ambiances et des sentiments, un talent que l’artiste démontre avec modestie !