“C’est vraiment là mon homme que ce Greuze !” Diderot, Salon de 1763
Applaudis par ses paires, Greuze était l’un des peintres les plus importants du XVIIIe siècle. Le XVIIIe siècle est une période riche, une période où la légèreté iconographique de certains contrarie la rigueur d’autres, Greuze lui, comme le dit si bien Diderot “fais de la morale en peinture” (Diderot, salon 1763). Greuze trouve sa voie dans les scènes de genre, des scènes de la vie quotidienne avec une certaine mise en scène pour les rendre plus agréables. De nombreuses fois félicité au salon, ses compositions travaillées et ses personnages entrent dans le coeur du public. Tous sont séduits par sa “morale tendre”, qu’il élabore subtilement dans ses scènes familiales, souvent de classe modeste.
La famille est un thème majeur chez Greuze, même si souvent le père reste au centre de ses compositions, le Petit Palais prend le sujet à contre-pied, se concentrant sur l’enfant. Le siècle des Lumière apporte une lueur sur cette phase de l’humain : l’enfance. Encouragé par Rousseau (Émile, 1762), on comprend que c’est une période de vie à part entière, l’enfant n’est plus seulement un mini adulte ! Dans cette exposition, Greuze est comme spécialiste de cet âge, il traite tout sujet : allaitement, nourrice, éducation etc. Dans ce domaine, l’artiste trouve d’abord l’inspiration auprès de son entourage le plus intime : ses deux filles, qu’il représente avec une immense douceur, typique de l’enfance.
Ci-contre : Jean Baptiste Greuze, Portrait d’Anne-Geneviève (dite Caroline) Greuze, 1766, huile sur toile, collection particulière.
« L’enfance a des manières de voir, de penser, de sentir, qui lui sont propres. Rien n’est moins sensé que d’y vouloir substituer les nôtres. »
“La jeunesse c’est l’avenir de demain”, une formule prise au pied de la lettre par Greuze. Au-delà de capturer les regards espiègles, errant, curieux et remplis de tendresse, c’est aussi un sujet très étroitement lié à la famille. Les réflexions sur ces petites âmes mènent directement à l’étude du foyer, l’environnement essentiel pour l’éducation, l’endroit où l’on apprend à grandir. Au XVIIIe siècle, c’est le père qui incarne ce rôle de formation.
Jean Baptiste Greuze, La lecture de la bible, 1755, huile sur toile, musée du Louvre
Bien que le décor de cette toile montre une classe modeste, l’artiste refuse tout mépris. Il donne à ses personnages une dignité par le titre du tableau La lecture de la Bible. Le père se place à la même hauteur que ses enfants et avec patience, leur lit les vertus religieuses. Un personnage, jeune garçon est au centre de la composition, debout avec un air sérieux montre l’exemple : il incarne le citoyen modèle.
L’oeuvre coup de coeur de cette exposition, à ne surtout pas rater, essentiellement parce qu’il vient de loin mais aussi parce qu’il dépeint un petit garçon malicieux, une mère forte et deux petits bout de chou endormis. Le Repos, dit aussi Le Silence (1759, Londres Burckingham Palace) nous plonge dans le quotidien d’une maman ou d’une nourrice. Toute une narration est faite à travers les regards et les gestes, la scène est presque audible. Le plus jeune enfant, dans les bras de la jeune femme est endormi après l’allaitement, le second, sur la chaise s’endort aussi paisiblement. Le plus grand est accoudé, d’un geste provoquant, porte un jouet trompette à la bouche. La jeune femme regarde dans sa direction, d’un bras lui montre son frère endormi, lui interdisant de le réveiller.
L’allaitement est recommandé par Diderot, Rousseau et Greuze lui-même. C’est un moment dépeint comme un temps essentiel à la construction d’une relation saine entre l’enfant et la mère.
L’exposition en vaut le détour, on vous le promet ! Petite pensée aussi au discours de l’exposition très bien écrite.