Cézanne au Jas de Bouffan. Une exposition à ne pas manquer au musée Granet d'Aix en Provence, jusqu’au 12 octobre 2025
Paul Cézanne, que l’on surnomme avec justesse le “ père de l’art moderne” a partagé sa vie artistique entre effervescence parisienne et calme provençal. C’est dans la maison familiale du Jas de Bouffan, à Aix, que le jeune peintre fait ses premières expérimentations picturales. Durant 40 ans il y peint inlassablement, jusqu’ à en faire une oeuvre en soi. L’exposition du musée Granet rend hommage par l’accrochage d’œuvres symboliques, à cette bastide provençale, achetée en 1859 par son père, qui fut un véritable laboratoire de création pour Paul Cézanne.
À travers un accrochage chrono-thématique, l’exposition nous entraine dans les premiers pas en peinture du jeune Cézanne. On y découvre comment, malgré le souhait initial de son père de le voir suivre des études de droit, ce dernier cède face à la vocation de son fils, allant jusqu’ à lui laisser un vaste espace pour exprimer son art dans la maison. C’est ainsi que Cézanne s’est approprié cette bâtisse familiale en peignant directement sur les murs du grand salon dès 1860.
Des peintures murales qui ont été transposées sur toile au XXème siècle et qui pour la première fois retrouvent leur place, ensemble, dans un grand salon reconstitué. Une mise en accrochage remarquable qui éclaire la genèse du peintre.
La suite du parcours explore les thèmes chers à Cézanne à commencer par les portraits de ses proches qui ont posés pour lui au Jas de Bouffan : son ami Émile Zola, sa compagne Hortense Fiquet ou encore son père, dans une toile particulièrement saisissante : Louis Auguste Cézanne, père de l’artiste, lisant “ l’évènement”, 1866, Washington national Gallery of Art. Un impressionnant portrait de grand format à la mise en scène audacieuse. Le père est représenté lisant L’évènement, un journal libéral fondé par Victor Hugo en 1848. Un choix lourd de sens car son ami Emile Zola y avait publié une série d’articles défendant des artistes refusés au Salon officiel, dont Cézanne lui même. Ce contraste avec l’attitude plutôt conservatrice de son père, habituellement lecteur du Siècle, peut se lire comme une provocation affectueuse ou un clin d’œil ironique de l’artiste : les interprétations restent ouvertes.
Le paysage est également à l’honneur dans l’exposition et révèle une facette méconnue de son oeuvre. L’iconique montagne Sainte-Victoire n’est représentée ici que par l’accrochage d’une des premières vues de 1897 provenant de Suisse et annonciatrice de sa mythique série. Ce choix permet de mettre en lumière des paysages plus intimes, moins connu et tout aussi touchants. Ces paysages aux Jas sont divers, tant dans le style que dans les sujets et se multiplient dans les années 1870, époque de la guerre franco prussienne pendant laquelle Cézanne se réfugie dans la nature provençale. Ces vues de Provence, sans figures humaines comme souvent chez Cézanne, laissent entrevoir discrètement le domaine : les bâtiments agricoles, le bassin aquatique, le lavoir ou les rangs de vignes. De vrais témoignages d’un lieu de vie paisible, intime qu’il aime tant peindre à sa manière, entre structures rigoureuses et couleurs intenses.
Paul Cézanne, La maison du Jas de Bouffan, 1876-1878, collection particulière.
Paul Cézanne, Bassin et Lavoir du Jas de Bouffan, 1885-1886, MET, New York
Paul Cézanne, La Montagne Sainte-Victoire, 1897, Suisse
Cette exposition d’une grande richesse met donc en avant le rôle central du Jas de Bouffan dans la vie et l’oeuvre de Cézanne. Classée monument historique et aujourd’hui propriété de la ville de Aix, la bastide est bien plus qu’un décor : c’est un lieu de mémoire artistique qui mérite d’être racontée. Et cette rétrospective la raconte de la plus belle des manières, à travers le regard et les pinceaux de celui qui l’a rendue immortelle.