Aviez-vous déjà entendu parler de Berthe Weill ? Parceque, pour mon plus grand regret, moi non.
Effacée parmi les grands noms des galeristes français, à l’instar des femmes artistes, son histoire mérite d’être racontée. Dans un contexte du XXe siècle prolifique en écrits, les informations historiques sur elle ne manquent pourtant pas. Oui, les femmes galeriste existaient bel et bien.
A l’orangerie en ce moment et ce jusqu’au 26 janvier 2026, l’exposition lui rend sa place : celle d’une des galeristes les plus influentes de son temps, à l’œil avisé et au cœur grand. Jeune femme issue d’un milieu modeste alsacien, elle ouvre sa galerie à Paris en 1901 avec le mot d’ordre “place aux jeunes”: elle avait l’intime conviction que les jeunes artistes avaient encore tout à inventer et qu’il fallait les soutenir. Toute sa vie, elle a contribué à révéler des artistes modernes tel que Picasso, Matisse, Dufy et meme Modigliani pour qui elle organise sa seule exposition personnelle de son vivant, en 1927.
Mais ce qui frappe le plus à travers cette exposition, c’est son humanité :
« J’aime les artistes avant d’aimer leur peinture ». Berthe Weill, 1933, dans ses mémoires.
Elle a tissé des amitiés sincères loin des relations intéressés de ce milieu : connue pour avancer de l’argent aux artistes dans la misère, leur offre des repas et rester fidèle à eux meme quand ils deviennent célèbres et qu’elle n’en retire plus d’avantage personnel.
Cette sincérité, elle se lit dans le tableau phare de l’exposition, par Raoul Dufy, un de ses plus fidèles amis. Pour les 30 ans de sa galerie, en 1931, il lui offre 30 ans ou la vie en rose . Un intérieur où les teintes rose, vives et douce à la fois, illuminent un magnifique bouquet de fleur posé sur une table au centre de la toile. L’ensemble respire la fraîcheur et de délicatesse, quelque chose de léger et sincère, comme un bouquet offert a quelqu’un qu’on l’apprécie profondément.
La symbolique de ce cadeau d’artiste est claire : Raoul Dufy lui peint sa reconnaissance. Il peint la vie en rose dans cette galerie, pour la femme qui a mis du rose dans la vie des jeunes artistes du XXème siècle, dans la sienne aussi.
Sa bonté l’a suivi toute sa vie, Berthe Weill, depuis toujours, veut exposer, aider la nouveauté sans préjugés. Elle s’est d’ailleurs engagée contre les préjugés de genre sur le marché de l’art, en collectionnant les femmes, non comme des exceptions mais comme des actrices essentielles de la scène artistique de son temps. Ayant subi elle-même le sexisme du milieu, jugée trop émotive et pas professionnelle, elle supprime meme son prénom dans le nom de la galerie pour que les hommes ne l’évitent pas. Elle savait ce que c’était d’être effacée.
A l’orangerie vous aurez la chance de (re)découvrir les œuvres de Suzanne Valadon, comme Nu a la couverture rayée, 1922 ou de Jeanne Kosnick Kloss et sa composition de 1934
Progressives et anticonservatrice Berthe Weill incarne un idéal intemporel de collectionneuse amoureuse de l’art pas pour son prestige mais pour ce qu’il est dans sa nouveauté. Elle n’a jamais renoncé à sa passion et son désir de la partager. C’est ce qui rend son histoire touchante… et absolument à raconter !